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Le Comité central du Parti communiste (PC) a examiné, lors de sa séance du 13 mai 2023, le contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers (autrement appelée “loi sur le climat”) soumis au vote le 18 juin prochain. Le point de départ de l’analyse du texte a été la position prise sur la loi sur le CO2 rejetée par le peuple le 13 juin 2021, contre laquelle le PC avait lancé le référendum avec diverses autres forces de gauche. Il faut se rappeler de comment l’apport communiste avait alors été décisif pour assurer le rejet d’une loi antisociale, libéraliste et inefficace, avec laquelle on voulait faire payer aux classes populaires le prix de la nécessaire transition écologique.

Le texte de loi soumis au vote le 18 juin est une contre-proposition indirecte à “l’Initiative pour les glaciers”, qui exigeait la neutralisation des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, par l’interdiction des énergies fossiles à partir de cette année-là. Ces exigences ont été jugées excessives par l’Assemblée fédérale, qui a maintenu l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050, mais sans introduire d’interdiction. Pour atteindre cet objectif, la loi approuvée par le Parlement prévoit la mise en place de mesures de soutien pour le remplacement des systèmes de chauffage (à hauteur de 200 millions de francs par an), pour l’adoption de technologies innovantes permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre (200 millions de francs par an), et pour la protection de l’homme et de la nature contre les effets du changement climatique. Outre les premières mesures de la loi qui est soumise au vote, d’autres mesures seront ajoutées dans les années à venir, qui, conformément à l’article 11 de la loi, doivent être régulièrement discutées et approuvées par le Parlement. Toutefois, à ce jour, les détails de ces mesures ne sont pas encore connus : la loi laisse une certaine marge d’incertitude à cet égard.

La grande nouveauté de cette loi est l’absence de nouvelles taxes ou impôts pour l’économie et la population. Les mesures sont en grande partie les mêmes que dans la loi sur le CO2 rejetée par le peuple, mais sans charge fiscale supplémentaire, ce qui prouve que l’analyse du PC, selon laquelle une transition écologique était possible sans la faire payer au peuple, était correcte. Le financement de ces mesures par le budget général de la Confédération est une solution socialement plus juste, car il est majoritairement financé par l’impôt direct, qui tient compte du revenu et de la fortune des contribuables de manière progressive (contrairement aux impôts indirects – comme la taxe sur l’essence – qui étaient au centre de la précédente loi sur le CO2).

Le Parti Communiste se félicite de la prise en compte des besoins d’un des secteurs les plus touchés par le changement climatique, à savoir l’agriculture. Les mesures prises en faveur du secteur primaire démontrent le bien-fondé de la position de longue date du PC qui, au Tessin, a promu l’introduction du principe de souveraineté alimentaire dans la Constitution cantonale, ainsi que diverses autres initiatives en faveur du monde paysan. L’obligation faite aux cantons d’adopter des mesures de protection contre les effets du changement climatique démontre également l’importance de l’initiative communiste pour la création d’un fonds de recherche pour l’étude de ces effets et des mesures d’atténuation, qui attend d’être examinée par le parlement tessinois depuis quatre ans.

Cependant, la loi votée par les Chambres fédérales comporte des aspects critiques qui méritent d’être mentionnés ici. Les mesures de soutien aux entreprises qui adoptent des technologies innovantes représentent un financement public problématique de la recherche privée, qui pourra développer et détenir des brevets qui devraient plutôt relever de la propriété publique. Ces mesures dispensent également l’État d’une intervention directe et d’une planification dans le domaine industriel et infrastructurel, pourtant nécessaires pour garantir la réalisation des objectifs fixés par la loi, ainsi que pour orienter le développement du pays dans cette délicate phase de transition. Les mesures financières de soutien à la reconversion immobilière semblent une fois de plus manquer de garanties et de contreparties pour les locataires, déjà durement touchés par la hausse des taux d’intérêt et des coûts de l’énergie. La mise en place de mesures de protection du marché du logement afin d’éviter la généralisation des loyers élevés devrait être envisagée. D’autre part, les moyens financiers mis à disposition semblent largement insuffisants pour augmenter significativement l’efficacité énergétique du parc immobilier suisse : le Parlement a mis sur la table quelques centaines de millions de francs, alors que des dizaines de milliards seraient nécessaires pour atteindre les objectifs fixés !

La nouvelle loi ne révise pas le système d’échange de quotas d’émission, qui s’est déjà révélé être l’objet de manœuvres spéculatives et qui dispense de facto les grandes entreprises polluantes de réduire leurs émissions. De même, elle n’introduit pas de mesures contraignantes pour la place financière, avec laquelle le Conseil fédéral pourra (mais ne devra pas forcément) adopter des accords pour réduire son impact sur le climat. Il convient de rappeler à cet égard qu’à l’occasion de la récente fusion entre Credit Suisse et UBS, il a été volontairement (et coupablement) renoncé de lier les garanties étatiques à des conditions sociales et environnementales précises. Enfin, aucune mesure n’est prévue pour encourager l’utilisation des transports publics qui, au contraire, font à nouveau l’objet d’une augmentation tarifaire d’une ampleur non négligeable pour des usagers déjà trop sollicités.

Le Parti Communiste s’est également penché sur la question cruciale de la souveraineté énergétique du Pays : dans la situation internationale délicate actuelle, assurer l’indépendance énergétique de la Suisse est d’une importance capitale. L’abandon des énergies fossiles ne peut se faire au profit d’un approvisionnement énergétique lié aux pays du bloc euro-atlantique (qui développent de nouvelles centrales nucléaires ou à charbon pour compenser les ressources qui ne sont plus achetées à la Russie, par exemple). A cet égard, nous soutenons la perspective d’une augmentation de la production nationale d’électricité, dans le cadre d’une planification pluriannuelle du parlement. Cependant, l’absence d’un plan industriel étatique sérieux pour augmenter l’auto-approvisionnement en électricité nous préoccupe particulièrement, car elle risque d’entraîner à moyen terme des pénuries d’énergie, dues au déclassement des vecteurs actuels et à l’absence d’alternatives disponibles à temps. Le Parti Communiste craint ici que la classe politique pro-européenne ne rende (et ne rendra) inévitable l’achat d’électricité aux pays de l’UE par la poursuite de la libéralisation du marché suisse de l’énergie. Outre l’augmentation prévisible des prix de l’énergie (contre laquelle aucune disposition n’a été prise), la loi sur le climat risque donc, au lieu d’un renforcement souhaitable de la souveraineté énergétique du pays, de se traduire par un nouveau rattachement du pays au bloc euro-atlantique.

Face à une loi caractérisée par ces graves lacunes et l’incertitude profonde qui entoure ses objectifs, le Parti Communiste n’accepte pas de donner “carte blanche” sans avoir au préalable clarifié les garanties et les contreparties pour assurer l’indépendance énergétique du Pays et le pouvoir d’achat des classes populaires. La transition écologique proposée par la Loi Climat ne pourra être soutenue que si elle s’accompagne d’un vaste plan industriel tendant à la reconversion énergétique du Pays, de la nationalisation du secteur énergétique national et de mesures claires de maîtrise des prix de l’énergie. Pour ces raisons, le PC appelle à voter blanc le 18 juin prochain.

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